Dans la chambre de Vanda
(No Quarto da Vanda):
Cinéma réaliste?

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Cidália Silva


Comme bonne portugaise que suis-je et donnant continuité à la tradition, je suis arrivée à la Cinémathèque Québécoise, avec une dizaine de minutes en retard. Je demande O quarto da Vanda de Pedro Costa. Le jeune-homme de la billetterie me dit qu'il n'est pas supposé me laisser rentrer à cette heure-là, mais avec un s'il vous plaît encore gelé et faisant pitié, il me donne finalement la permission de rentrer.

En rentrant, je dérange déjà une dame qui sommeille, un couple se lève pour partir. Sur l'écran Vanda parle à sa sœur, brûlant du papier d'alluminium et faisant sa ligne, cigarette à la bouche…
Je ne connais rien de l'esthétique cinématographique, mais pas besoin d'être un expert pour comprendre qu'il s'agit d'un film qui est loin de la superficialité et des bang bang de Hollywood. Pendant deux ans, camera à la main, Pedro Costa a touché à la misère de près. Ses films sont marqués par le réalisme de la vie quotidienne, soit-il beau ou pas beau, qu'il plaise ou qu'il ne plaise pas.

Actrices non maquillées, corps jeunes, meurtris, vieillis par la souffrance, si loin des corps parfaits des top modèles et des " poupounes " des films américains. Pedro Costa avec sa caméra, a capté l'expression réelle du visage humain : la tristesse, la peur, l'angoisse, le désarroi… Visages délavés, émincés par la misère et la drogue. Pas d'émotions fortes, pas d'histoire d'amour. Seulement la réalité étalée là, sur l'écran et la sensibilité du spectateur éprouvée, sollicitée, touchée par la réalité d'un monde.

Pas de scénarios créés, pas de décors époustouflants : les murs sont sales, la lumière est tamisée. Une chambre, une maison, une rue. Des taudis en destruction. Le désordre matériel se liant au désordre des taudis humains.

Pas de "Couper! Prise deux, scène trois". Il n'est pas nécessaire de demander à Vanda ou à Moletas de répéter la scène où elle se drogue ou celle où il se pique. Ces scènes se répètent jour après jour dans le scénario de leurs vies.

O Quarto da Vanda se résume ainsi à des scénarios d'une vie. Scénarios que le spectateur agence pour donner un sens. Scénarios de misère, d'exclusion, de pauvreté. Scénarios d'une simplicité ignorante et ignorée par des gens instruits et bienséants. L'enfer de la drogue, voila à quoi se confine O Quarto da Vanda.

Je l'ai regardé comme un film, en essayant de me convaincre que c'était juste un film. Un frisson, une grimace de dégoût de temps à autre. Deux jeunes femmes se droguant, les visages usés par la souffrance, le regard éteint où l'espoir a déménagé dans l'univers de la dépendance, laissant place à l'impuissance. Un enfant qui semble aveugle, répétant les bruits de destruction, jouant avec la réalité. La réalité d'un monde, reflété par la camera de Pedro Costa, mais difficile à accepter dans nos univers de confort et d'en foutisme.

O quarto da Vanda, ce n'est pas un film que je conseille après une journée de travail ni à des personnes qui s'attendent à une bonne histoire bien structurée avec un début, un milieu et une fin. Ce n'est pas un film qu'on regarde pour rigoler : il porte à la réflexion, à une bonne ouverture d'esprit et à une sensibilité accrue.

Personnellement, j'ai trouvé le film long, Il n'y a pas une grande diversité de scénarios et je trouve que la répétion de certaines scènes, comme Vanda dans sa chambre exécutant toujours le même rituel, à tous les soirs, entraîne une certaine monotonie qui enlève l'intérêt à un moment donné. Par contre, c'est le cinéma de la vie, il faut être capable de se laisser toucher par la réalité des autres et accepter l'évolution des idées. On peut aimer ou ne pas aimer le cinéma de Costa. Mais une chose est certaine, il fait preuve de beaucoup de créativité et d'originalité. Avec le réalisme de ses œuvres cinématographiques, je me demande sérieusement, s'il ne deviendra pas un jour, le Queirós du cinéma portugais.