Le Fado

 

Dans le contexte musical, le fado est un genre de chanson qui parle de tristesse, de mélancolie, de fatalité, de destinée, de souffrance et des peines d’amour. Il peut parler aussi des problèmes de la vie, qu’ils soient individuels ou de la société.

Par
Fernando André

De gauche à droite :
les « fadistas » montréalais Firmino Teixeira à la guitare portugaise et Luis Duarte à la « viola »

Contrairement à ce qu’on peut penser, le fado n’est pas vraiment une musique d’origine populaire généralisée. C’est plutôt de la chanson urbaine, cultivée surtout à Lisbonne, la capitale du Portugal, par les couches populaires et par l’aristocratie. Pus tard, il est adopté à Coimbra, la ville universitaire, par les étudiants. Habituellement, le fado est considéré comme la chanson nationale portugaise.

Malgré l’existence d’une certaine variété de genres de fado, il n’est pas une chanson régionale. Pendant des siècles, le fado a acquis des influences arabes dans les mélodies et dans les poèmes qui lui ont permis de devenir l’identité d’aujourd’hui : un chant mélancolique et nostalgique . Il semble que le fado est un produit d’ascendance coloniale, d’origine afro-brésilienne et ses racines sont liées au lundum du Brésil (un chant triste et lent des esclaves). Amené au pays par les marins portugais, le fado est le mélange du lundum avec les chants d’origine arabe qui perduraient encore dans certains quartiers de Lisbonne, tels que Alfama, Mouraria (quartier des Maures) et Bairro Alto.

Au début, le fado était chanté dans les tavernes mais vers le milieu du XIXe siècle, il atteignit l’aristocratie. Le Comte de Vimioso, en1868, emmena Severa, la grande artiste du fado de l’époque, dans les palaces. Elle a marqué cette période et son nom est devenu un mythe du fado. Severa apparut par la suite comme la référence et la grande responsable de la promotion du fado, surtout dans le milieu de la noblesse.

À Coimbra, un autre mythe du fado se nomme Hilário et il fit ses preuves vers la deuxième moitié du XIXe siècle. Ici, malgré la tristesse qu’il représente, le fado est chanté par des groupes d’étudiants qui chantent des sérénades, créant un côté spirituel au fado, ce qui le différentie du fado de Lisbonne. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, le fado de Coimbra a été utilisé par des étudiants comme une forme de contestation politique et sociale. À Coimbra, la « guitarra » (guitare) est jouée plus lentement et le son est plus rond et grave.

Les instruments utilisés pour accompagner les « fadistas » (ceux qui chantent le fado) sont la « viola » et la « guitarra ». La « viola » est presque une guitare classique. C’est un instrument de six cordes dérivé de la « vielle » du Moyen Âge. Elle sert surtout à marquer le rythme de la musique. Maintenant, quand on parle de « guitarra », on parle de la guitare nationale portugaise : « la Portugaise », un instrument de 12 cordes que certains auteurs croient être d’origine arabe, dérivé du « luth » (instrument de 7, 13 ou 21 cordes en forme de demi-poire, du XVIe - XVIIe siècles) tandis que d’autres parlent plutôt de son origine anglaise (la guitare anglaise, à son tour, est d’origine médiévale). Nous savons qu’elle a souffert quelques adaptations pendant de longues années, pour devenir le produit que nous avons de nos jours : un instrument de cordes typiquement portugais. Les arrangements et la guitare de 1795 divergent de celle

d’aujourd’hui. La « guitarra » sert à faire les mélodies qui accompagnent le ou la « fadista ».

Depuis l’avènement de la radio et surtout après les années 60, le fado a pris de nouveaux envols allant jusqu’à sortir des frontières nationales. La grande responsable de cette explosion du fado est la chanteuse Amália Rodrigues, la « fadista » par excellence du pays. Sa voix exceptionnelle s’est imposée dès son jeune âge quand elle vendait des fruits au marché. Elle est devenue la référence du fado, étant présentement considérée comme un symbole et un mythe de la musique portugaise. À sa mort en 1999, le gouvernement portugais a décrété un deuil national pendant trois jours et son corps repose aujourd’hui à côté des rois et des héros nationaux du Portugal à Lisbonne.

Aujourd’hui, écouter ou chanter le fado, dans son ambiance appropriée est une occasion de fête. Pour une « noite de fado » (nuit de fado), on se prépare à aller à une soirée spéciale et on s’habille avec élégance. Un souper typiquement portugais est presque toujours au menu et figure le « bacalhau » (morue), le « caldo verde » (soupe aux légumes verts) et le « chouriço » (saucisse portugaise) flambé.

Pour bien écouter, comprendre et sentir l’esprit du fado, deux conditions sont essentielles. La première est le silence absolu. La deuxième est la lumière. Il est important de tamiser la lumière au plus bas ou encore mieux, de n’utiliser que des chandelles sur les tables. Cela fera ressortir encore plus la musique de la « viola », de la « guitarra » et surtout, la voix des « fadistas ». Aussi, de cette façon, on gardera l’intimité de la soirée.

Dans la majorité des grandes villes du monde, on peut écouter le fado dans un bon restaurant portugais. À Montréal, nous sommes particulièrement privilégiés, car nous pouvons apprécier plusieurs « fadistas », hommes et femmes, de talent exceptionnel, dans les restaurants et les salles communautaires portugaises.

 

Sources :
Enciclopédia, Volume I, « Section Fado », Publications Diário de Noticias, (Lisbonne, 1996-1997).
Carlos Edgard, As Vozes da Orquestra (Les Voix de l’Orchestre), Ministère de l’Éducation Nationale, (Lisbonne, 1974).
Armando Leça, Música Popular Portuguesa (Musique Populaire Portugaise), Collection Folklore et Pédagogie, (Porto, 1942).