Les relations canadiennes et portugaises
Une rencontre de longue date

par

Véronique Groulx


Introduction

Le Canada et le Portugal semblent depuis toujours être en bonne relation. Cette relation est basée sur des échanges culturels et une ouverture de l’autre. Mais depuis quand ce contact existe-t-il entre ces deux pays? Malgré que la découverte du Canada est attribué et reconnu pour être fait par Jacques Cartier en 1534, certains auteurs semblent reconnaître que les Portugais naviguaient depuis déjà quelques temps dans l’atlantique pour la pêche à la morue et semblerait être accosté à Terre Neuve quelques années avant ce temps. Les voyages des frères Corte-Real en disent bien long sur cette fréquentation. C’est au XXe siècle que les Portugais reviendront en terre canadienne pour cette fois ci s’y établir pour de bon. Trois vagues d’immigrations auront lieu entre 1951 et 1974. Dernièrement, nous avons célébré le 50e anniversaire des premiers immigrants portugais ici, à Montréal. Cet événement nous rappela que la communauté portugaise à Montréal est bien vivante.


Les portugais dans l’océan Atlantique

Les documents historiques concernant la grande découverte de l’Amérique sont très sombre envers le peuple portugais. Alors que des fois ont ose mentionner ce groupe, le reste du temps, il part dans l’oubli total des historiens. Un exemple très frappant est dans la préface du livre de Raymonde Litalien. Écrit par Étienne Taillemite qui est l’Inspecteur général honoraire des Archives de France, on verra écrit : « Le grand mouvement qui, à partir du XIVe et plus encore du XVe siècle a entraîné certains peuples européens, essentiellement Portugais, Espagnols et Italiens, sur les routes maritimes inconnues, à la recherche de terres nouvelles, laissa les Français indifférents. » (1) Donc, ici, les Portugais font parties des premiers explorateurs à se lancer dans le monde des découvertes. Cependant, quelques lignes plus loin, on écrira : « Français, Anglais, Espagnols ont uni leurs efforts pour parvenir au bout de trois siècles, dans des conditions matérielles et sanitaires les plus dures, à une connaissance, aussi parfaite que le permettaient les techniques du temps, du continent et de ses habitant.» (2) Mais où sont passés les Portugais? Soudain, leur contribution est devenue moindre. Comme s’ils n’étaient que parti à l’aventure sans jamais avoir trouver aucun continent que ce soit.
Ce qui semble avoir attiré les Portugais dans l’océan Atlantique s’avère être la pêche à la Morue. Dans les années 1520, le chroniqueur Pietro Martyri racontait que les « indigènes » de Terre-neuve appelaient la morue : Baccalhau. Cependant Peter Pope, archéologue à Saint-Jean de terre-Neuve mentionne que les Bretons furent les tous premiers pêcheurs suivis des Basques. Selon lui, l’apport des Portugais serait moindre et plus tardive.

L’apport de la famille de Corte-Real dans la découverte du « Newfoundland » est très obscur. Actuellement, les voyages de Gaspar et Miguel Corte-Real sont un peu plus connu mais le voyage de leur père est très difficile à connaître étant donné que le récit se trouve chez un collectionneur.(3) Cependant, selon une légende écrite par Gaspar Frutuoso (1522-1591), Saudades da Terra, il semblerait que Joao Vaz Corte-Real aurait reçu un mandat du roi afin do descobrimento da Terra Nova dos Bacalhaus.(4) Cependant, Morison croit que Joao Vaz Corte-Real était un dictateur à Terceira et plusieurs personnes étaient effrayées par lui. Il était alors facile de se faire accorder quelques découvertes que ce soit. Donc cet auteur croit fortement que ce ne soir qu’une légende.

Avant que les fils de ce dernier entre en scène concernant la découverte de Terre-neuve, un autre personnage doit être considéré. Joao Fernandes Lavrador est un personnage mystérieux qui n’est connu qu’à travers ses cartes et ses plans. Samuel Eliot Morison nous précise que: « The ordinary meaning of lavrador is farmer, husbandman, tiller of the soil; in the Azores, according to Ernesto do Canto, a lavrador might mean a small landed proprietor who let out his land for others to till, while he engaged in trade or went a-voyaging.» (5)

VOYAGES PORTUGAIS AU CANADA

1452
Diogo de Teive aurait navigué sur les côtes de l’Amérique du Nord
1472
João Vaz Corte Real aurait atteint le Groenland et terre-Neuve
1492
João Fernandes Lavrador et Pedro de Barcelos auraient longé la péninsule du Labrador
1501
Gaspar et Miguel Cortes real explorent Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse
1521-1525
João Àlvaro Fagundes établit une colonie au Cap-Breton

En 1519, une carte faite par Jorge Reinel démontre qu’il est inscrit Do Lavrador. Sur cette carte est aussi écrit : Cette île que les Portugais ont vue mais où ils n’ont pas débarqué (terram istam portugalensens videru(n)t atamen nom intrauerunt). Ainsi, les anglais prendront possession de cet endroit par la suite.

Une chose est sûr est que Gaspar Corte-Real, fils de Joao Vaz Corte-Real auraient mis les pieds sur cette terre neuve. Même s’il partit en 1501 et n’en revint jamais, les autres équipages de ce dernier purent raconter ce voyage. Ils rapportèrent même des ndigènes sur le sol européen.

Comme l’écrit Manuel de Almeida Moura : « Cantino nous dit aussi que les compagnons de Gaspar avaient trouvé dans ce pays « une grande quantité de fruits excellents et variées ainsi que des arbres et des pins si hauts et si gros qu’ils eussent pu servir de mâts aux plus grands vaisseaux. » Il dira des Amérindiens emmenés, possiblement des Béothuks, qu’ils étaient « d’une stature un peu plus élevée que la nôtre, avec des membres proportionnés et bien formés.» (6) Donc, après avoir découvert le Groenland, Gaspar décida de poursuivre son chemin et tomba sur Terre-neuve.

Il envoya deux navires portugais pour annoncer la nouvelle et décida de continuer son exploration sur les côtes. Et c’est à ce moment qu’il disparaîtra et on ne le renvoya jamais. Son frère aura subit le même sort. Alors qu’en 1502, le 15 janvier, il obtenu du roi Manuel 1er l’autorisation d’aller chercher son frère ainsi que de ratifier la découverte de Terre-neuve et la concession des Corte-Real, « le Labrador et terre Neuve devenaient de ce fait terres du roi du Portugal selon le droit de l’époque.» (7) Mais quoi qu’il en soit, Lionel Groulx écrira : « toute une partie du Canada d’aujourd’hui, soit la plus grande partie de la Nouvelle-Écosse, toute l’île du Cap Breton, terre-Neuve, la côte orientale du Labrador ont été appelés, au début du seizième siècle, terres du Portugal. Ainsi en advint-il de par la ligne alexandrine et aussi par des explorations et des prises de possession effectives. » (8)
Chose étonnante est qu’en 1920, un certain Edmund Delabarre, un américain, découvrira un rocher sur la rive droite du fleuve Tanton à Dighton où une inscription sera gravé : Miguel Corte-Real, ici, le chef des Indiens, en l’an 1511. (9) Depuis, le débat refait surface.

Un peu plus tard, entre 1521 et 1525, c’est Joao Alvares Fagundes qui décidera d’établir une colonie dans l’île Cap-Breton. Il est originaire de la ville de Viana do Castelo. Même si ce territoire appartient aux Portugais, ces gens n’y vivront pas réellement. Ils semblent être plus préoccupés par l’Orient, l’Afrique et le Brésil. (10)

Ainsi, la pêche à la morue devient le principal attrait pour les Portugais. D’après la revue Rencontre, vers 1550, 150 bateaux appartenants à la ville d’Aveiro seront équipés pour ce type de pêche.

Par la suite, plusieurs portugais ont aidé à la colonisation du Canada mais sous la tutelle d’autres pays comme la France et l’Angleterre. Lorsque le Canada instaurera le service de la poste, ce sera un Portugais qui occupera le rôle de facteur qui travaillera en canoë pour livrer les colis de Montréal à Québec : Pedro da Silva (1647-1707). Comme l’écrit L. Aguilar, les Portugais seront responsables de plusieurs activités : « De nos jours, nous constatons cette présence portugaise dans les nombreux descendants qui portent les noms de, Dasylva, portugais et Rodrigue. On attribue aux Portugais l’établissement de la première église à Terre-Neuve et la première synagogue du Canada, aux premiers juifs d’origine portugaise à Montréal en 1768.» (11) Après ce temps, jusqu’au XXe siècle, des Portugais, aventuriers et courageux, sont venus s’établir, ici, en Amérique du Nord. Mais ce sera durant les années 1950 que nous verrons apparaître une grande vague d’immigration qui sera suivit par deux autres vagues.

L’immigration du XXe siècle

Le Canada a connu trois grandes vagues d’immigrations au Canada. Alors que les Portugais « fuient le retard économique ainsi que l’étouffement culturel et politique de leur terre natale» (12), le Canada les attires par ses grandes villes, soit Montréal et Toronto et par son caractère pluriculturel. C’est dans les années 1950 que la première grande vague d’immigration au Québec prendra place. Cette population tente de fuir sa politique autoritaire antidémocratique et antilibéral du régime de Salazar. Ce seront des Portugais autant du continent que des Açores qui viendront s’établir au Québec. C’est précisément dans le mois de mai et juin 1953 qu’arriveront ces premiers immigrants à Halifax. Entre 1952 et 1957, ce seront surtout des hommes des Açores et des Madères qui viendront à Montréal. La deuxième vague d’immigrations se produira entre les années de 1960 à 1974. Cette époque est caractérisée par les guerres coloniales pour le Portugal. Fuyant l’enrôlement obligatoire, des milliers de jeunes quitteront leur pays. De plus, les Portugais établie dans les colonies tenteront de trouver refuge ailleurs dont au Canada. Finalement, ce sera la Révolution du 25 avril 1974 qui sera la conséquence de la troisième vague d’immigration étant donné l’instabilité politique et social de ce pays. Actuellement, «la société canadienne portugaise est une collectivité très active au Canada et continue d’apporter de nombreuses et importantes contributions à notre société et de l’enrichir avec son histoire, sa langue et sa culture. » (13) Mais peu à peu, avec l’entrée du Portugal dans l’Union Européenne, avec un avancement économique important, les Portugais sont désormais bien chez eux. Plusieurs même retournent dans leur pays natal où il fait actuellement bon y vivre.

Conclusion

Somme toute, ce travail n’est qu’un petit survol des explorations et contacts entre les Canadiens et les Portugais étant donné que les détails sont en nombres infinis. Cette question mériterait bien sûr une étude plus profonde. Selon moi, la question des Portugais dans la découverte de l’Amérique du Nord est peu abordée car leurs découvertes dans les autres continents sont beaucoup plus importantes. De plus, étant donné qu’ils ont découvert le chemin vers l’Inde avec Vasco de Gama en 1497-1499, la pêche de la morue dans l’océan Atlantique semble peu importante vis-à-vis cette grande exploration. Leurs colonies sont beaucoup plus nombreuses en Afrique et dans le sud de l’Amérique. Mais comme l’a écrit Brad Loewen, professeur d’archéologie historique de l’Université de Montréal, ce sont des questions historiques les plus fascinantes de tous les temps.

Notes:

1- LITALIEN, Raymonde. Les explorateurs de l’Amérique du Nord, Québec, Les éditions du Septentrion, 1993, page 7
2- LITALIEN, Raymonde. Les explorateurs de l’Amérique du Nord, Québec, Les éditions du Septentrion, 1993, page 8
3 - MORISON, Samuel Eliot. Portuguese Voyages to America in the Fifteenth Century, New York, Octagon Books Inc., 1965, page 33.
4 - Ibid., page 33.
5- MORISON, Samuel Eliot. Portuguese Voyages to America in the Fifteenth Century, New York, Octagon Books Inc., 1965, page 51.
6- ALMEIDA MOURA, Manuel de. Les Portugais dans l’exploration et la colonisation de l’est du Canada au XVIe siècle, Montréal, 1992, page 13.
7- Ibid., page 15.
8- GROULX, Lionel. La découverte du canada – Jacques Cartier, Montréal, Fides, 1966, page 45.
9 - Ibid., page 17.
10 -Centre d’histoire de Montréal, en collaboration avec le Carrefour des jeunes lusophones du Québec, Rencontre La communauté portugaise de Montréal 50 ans de voisinage, Montréal, 2004, page 4.
11 - AGUILAR, Luis. Terra Portucalensis 10, Montréal, 2004, page 6.
12- Ibid., page 6.
13 - AGUILAR, Luis. Terra Portucalensis 10, Montréal, 2004, page 7.


Bibliographie

AGUILAR, Luis. Terra Portucalensis 10, Montréal, 2004, 13 pages.

ALMEIDA MOURA, Manuel de. Les Portugais dans l’exploration et la colonisation de l’est du Canada au XVIe siècle, Montréal, 1992, 36 pages.

BRAZÂO, Eduardo. The Corte-Real family and the New World, Lisbonne, Agência-geral do ultramar, 1965, 170 pages.

LITALIEN, Raymonde. Les explorateurs de l’Amérique du Nord, Québec, Les éditions du Septentrion, 1993, 261 pages.

MRISON, Samuel Eliot. Portuguese Voyages to America in the Fifteenth Century, New York, Octagon Books Inc., 1965, 151 pages.

PERPÉTUA, Belmira. Les Portugais 50 ans à Montréal, Montréal, Les Intouchables, 2004, 107 pages.

Centre d’histoire de Montréal, en collaboration avec le Carrefour des jeunes lusophones du Québec, Rencontre La communauté portugaise de Montréal 50 ans de voisinage, Montréal, 2004, 35 pages.

PAQUIN, Marie-Lyse. Le Plateau des Portugais. Cyberscriptus. [En ligne]. Numéro 54, (novembre 2004), http://www.cyberscriptus.org/cyber54/portugal.html, (page consultée le 13 décembre 2004 ).