Eça de Queirós

(1845-1900)

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Je me souviens quand je suis arrivé à Lisbonne, venant de Celorico C’était par un matin frisquet d’automne, sans la moindre brise, qui annonçait un jour chaud, avec un de ces soleils rutilants de fête qui enflamment tout Lisbonne, à partir du vieux château mauresque et jusqu’ aux pierres de la chaussée, transformant en poussières d’or les matières en suspension dans l’air, changeant les vitres des carreaux des fenêtres en miroirs lançant des éclairs dorés, et donnant à tout Lisbonne la blancheur étincelante, monotone et triste de la chaux….

Là à côté, le Tage aussi étincelait, tout bleu, lisse, comme le ciel sans nuage, sous une pluie fine de gouttelettes de lumières dorées, avec au fond sa bordure côtière toute de verdure, son moulin blanc, ses quelques maisons également blanches…

Et par les rues, déjà les omnibus, les trintanários, les dog-carts, les coupés bleus, élégants avec leur atelages d’étalons noirs luisants, aux harnais rutilants, avec les laquais en livrés…et leurs belles dames vêtues de noir,, grandes, au teint pâle, ayant l’air fragiles de santé, fatales, avec leur inévitable caniche de poche et leur petit page noir…D’un chic époustouflant…!! , Les acacias en fleurs embaumaient l’air du matin… Un clocher quelque part appelait à la messe…

Du Rossio montait le bruit des voitures, les cris des marchands ambulants, le roulement des tramways, et tout cela vibrait avec netteté dans l'air léger de novembre… Le lent bourdonnement de cette ville paresseuse, l'atmosphère veloutée de ce riche climat semblaient s'insinuer peu à peu...

In Les Maia