LUSOFONIA: OS NOVOS MUNDOS DO MUNDO
Pesquisa Orientada na Rede
por Luís Aguilar



Qu'est-ce que c'est pour moi la Lusophonie?

La Lusophonie :
un concept récent issu d'une réalité ancienne
par
Normand Raymond

Étudiant de la Mineure en langue portugaise et cultures lusophones de l'université de Montréal

Au moyen de ce court texte, j’expliquerai ce que j’entends par Lusophonie, dans la perspective où la langue portugaise constitue le trait d’union de près de deux cent millions de locuteurs répartis sur les cinq continents. Dans un premier temps, je commencerai par brosser un bref aperçu historique dans le but de retracer ses origines, pour ensuite continuer en présentant un portrait de la situation actuelle de la langue de Camões et de Machado de Assis dans le monde.

S’il existe de toute évidence des différences dialectales plus ou moins prononcées dans toutes les langues vivantes de ce monde, en contrepartie, celles-ci ne peuvent pas toutes se réclamer être parlées d’une façon officielle ou officieuse dans plusieurs pays, et parfois même sur plus d’un continent. Le portugais, qui fait partie intégrante de l’objet de notre étude dans ce présent travail, en fait partie au même titre que le français, l’anglais ou l’espagnol. Nous pourrions également inclure dans cette catégorie d’autres langues telles que l’arabe, le russe et le quéchua qui ont connu, au cours de leur histoire, une expansion linguistique similaire. C’est pourquoi il nous serait permis de parler, dans une certaine mesure bien entendu, autant de russophonie, d’arabophonie et de quéchuaphonie, que d’hispanophonie, de francophonie, d’anglophonie et de lusophonie.

Tout comme le portugais, si ces langues se sont répandues de la sorte à travers le monde, cela est effectivement dû à des raisons historiques d’ordre économique et politique, lesquelles répondaient à une certaine chasse au trésor, à un certain plan de conquête. Dans la quasi-totalité des cas, cette quête des richesses s’est terminée en conquête de territoires, suivie d’une période de colonisation plus ou moins prolongée. Après un certain temps d’asservissement vis-à-vis leur mère patrie, ces colonies ont ensuite décidé, à des moments différents et tout à tour, de passer à une étape de libération leur permettant du coup, d’accéder à l’indépendance et à leur autonomie. Par exemple, dans le contexte du portugais, c’est ce qui s’est passé avec le Brésil, la Guinée-Bissau, les îles du Cap-Vert et de Saint Thomas et Prince, l’Angola, le Mozambique et plus récemment le Timor Oriental.

Par contre, d’autres colonies déjà établies depuis longtemps se sont littéralement vues envahir par des nations rivales, qui venaient y imposer leur langue et leur culture à leur tour, sans nécessairement parvenir à faire disparaître l’héritage linguistique et culturel apportés par leurs prédécesseurs. À titre d’exemple, pour ce qui est du portugais, il conviendrait ici de rappeler que le Portugal a été l’une des premières puissances coloniales européennes à visiter et à s’installer tout au long de la frange territoriale qui contournent le littoral de l’Afrique noire. De même, les Portugais avaient plusieurs possessions territoriales en Asie, principalement dans l’Inde actuelle. Toutefois, aujourd’hui, nous constatons qu’il n’en est resté plus que cinq pays, qui ont convenu de conserver le portugais comme langue officielle d’unification, peu après avoir acquis leur indépendance à partir des années 1973.

Mais avant d’aller plus loin, et pour revenir au thème principal de l’objet de notre étude, c’est-à-dire la lusophonie, nous nous pencherons un peu sur son étymologie. Au fait, pourquoi appelle-t-on les Portugais des lusophones et non pas des portugophones ? (1) Étymologiquement parlant, il semblerait y avoir plus d’une hypothèse concernant l’origine du radical luso-. Certains auteurs prétendent que ce radical proviendrait du prénom romain Lusus (2) (signifiant « jeux » en latin), fils de Liber. Pour eux, la Lusitanie aurait été nommée d’après ce prénom. D’autres défendent plutôt l’hypothèse selon laquelle le nom lusitanus serait d’origine celte (3); la composition des morphèmes lus et tanus signifiant « tribu des Lusus ». Camões dans son œuvre intitulée Os Lusíadas parle de l’origine de la formation du nom « Lusitania », qui proviendrait du nom d’un personnage mythologique nommé Luso (4), pasteur, fils ou descendant de Baco. Quoi qu’il en soit, même si cette dernière hypothèse semble être la plus acceptée, la signification même des mots lusus, luso ou lus reste toujours obscure, controversée et semble se perdre dans la nuit des temps. Tout ce que l’on peut affirmer aujourd’hui, c’est que les Lusitaniens (6) était un peuple pré-celtique, voisin des Celtibères , qui habitait originellement l’ouest de la péninsule ibérique bien avant l’arrivée des Romains.

Pour ce qui est du territoire des Lusitaniens, qui avait pour capitale Olissipo (7) (aujourd’hui Lisbonne), comme nous venons de le mentionner, celui-ci a été rattaché à l’empire Romain autour de 150 av. J.-C. Cette région correspondait plus ou moins à l’actuel territoire du Portugal, au sud de la rivière Douro, et à une partie des provinces espagnoles de Léon et de l’Estrémadure. Après la conquête romaine, sa nouvelle capitale, Emerita Augusta (aujourd’hui Mérida), aurait été fondée en 25 av. J.-C. par l’empereur Octave dit Auguste , petit neveu et héritier de Jules César. Quant au Portugal, il est né beaucoup plus tard sur ce même territoire, vers le Ve siècle après J.-C., suite à la chute de l’Empire Romain et après plusieurs invasions barbares, dont nous nous garderons de traiter ici. C’est, grosso modo, « ce qui explique pourquoi on appelle aujourd’hui les locuteurs de la langue portugaise des lusophones (8)».

Aujourd’hui, la lusophonie correspond à un ensemble de territoires où des individus utilisent le portugais et ses variantes dialectales comme langue maternelle commune pour communiquer entre eux. Or, dans le cas de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP)(9) , il s’agit ici en fait d’un concept récent qui, d’après moi, ne reflète pas vraiment la réalité. Logiquement parlant, on pourrait être porté à croire que la lusophonie est au Portugal, ce que la francophonie est à la France. Tout d’abord, si l’on compare la CPLP à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF)(10) , on constate qu’il existe une certaine différence dans le nombre de locuteurs respectivement à chacune des organisations, mais que cet écart est beaucoup plus large en ce qui concerne le nombre de pays. La CPLP comprend une population de plus de 233 millions de lusophones répartis officiellement dans seulement huit pays, alors que l’OIF regroupe une population d’environ 175 millions de francophones, mais dans beaucoup plus de pays, soit 55 États.

Certes, il est vrai que l’expansion territoriale d’une langue x a pu permettre de regrouper plusieurs pays, qui étaient à l’origine d’anciennes colonies, et ce, dans une seule et même organisation, alors que ces derniers partagent la même langue officielle en question. À l’instar des autres organisations linguistiques semblables, le but n’est pas uniquement de favoriser les contacts et les échanges socioculturels, mais aussi de renforcer les liens économiques, éducationnelles et politiques. Il est à noter que parmi les pays dont la langue portugaise est la langue maternelle de la majorité, on ne compte en réalité que trois pays : le Brésil, le Portugal et l’Angola. Dans le reste des pays de la lusophonie officielle, on constate que les locuteurs sont soit bilingues (parlant le portugais comme langue seconde et une langue indigène comme langue maternelle) par exemple au Mozambique, soit locuteurs d’une forme de créole à base de portugais (ou luso-créole, c’est-à-dire un mélange de portugais et d’une ou plusieurs autres langues indigènes ou non), comme en Guinée-Bissau, au Cap-Vert, à São Tomé et Principe et au Timor-Oriental. Mais cette tendance tend à changer peu à peu, puisque l’un des engagements de l’organisme est de promouvoir l’enseignement du portugais dans ces anciennes colonies portugaises. Ces créoles ne seraient en fait que des langues intermédiaires entre les langues nationales, comme un pont, en vue de promouvoir l’enseignement et l’apprentissage du portugais. Le cas de Macao est un peu différent, puisqu’il ne s’agit pas réellement d’un pays, mais plutôt d’un comptoir et qu’il a été retourné à la Chine depuis 1999, en tant que région administrative spéciale qui utilise toujours le portugais comme langue officielle.

Quant aux ex-colonies portugaises comme dans le cas de Goa, Damão et Diu en Inde, le Sri Lanka et certains endroits en Afrique, autres que les pays mentionnés plus haut, il y subsiste encore aujourd’hui quelques bastillons de cette langue qui, un jour, firent partie de l’un des plus grands empires de l’époque coloniale. N’oublions pas que « le Portugal a commencé la conquête du monde avant l’Espagne et la France et que déjà au tournant du XVIe siècle, ce petit pays contrôlait un immense empire dans l’océan Indien, le golfe Persique et les mers de Chine et du Japon »(11) .

Que dire également de cette diaspora portugaise, dispersée aux quatre vents, et que le ministère des Affaires étrangères du Portugal estimait à près de 4 806 353 en 1999. Bien qu’elle soit plus marginalisée, il n’en demeure pas moins qu’elle représente une très grande communauté lusophone vivant à l’étranger. Constituées essentiellement d’immigrants lusophones établis surtout dans les grandes villes des pays plus industrialisés comme le Canada, l’Australie ou les États-Unis, on constate que la plupart de ces communautés ont tant bien que mal réussi à conserver leur langue et leur culture au fil des ans, et qu’elles font aussi partie de cette lusophonie virtuelle en devenir.

À l’heure actuelle, les problèmes auxquels doit faire face la CPLP sont surtout liés aux difficultés matérielles et économiques que vivent ces pays en voie de développement. Cette conception de la lusophonie n’en est qu’à ses premiers pas, puisqu’elle n’a vu le jour que le 17 juillet 1996, ce qui en fait l’organisation la plus jeune de ce genre. Un jour, peut-être verrons-nous d’autres régions de langue portugaise, prendre leur place au sein de cette organisation linguistique qu’est le CPLP, au même titre, par exemple, que le Québec et le Nouveau-Brunswick font partie de l’Organisation internationale de la francophonie? À cet effet, la Galicie pourrait bien en devenir le prochain membre, puisque le galicien ne s’est jamais vraiment séparé du portugais pour constituer une autre langue à part entière.

Comme vous avez pu le constater par l’exposé écrit que je viens de présenter, pour moi il existe deux lusophonies, une officielle et l’autre, non officielle. La première se compose des pays qui ont désigné le portugaise comme langue officielle et font partie de la CPLP, tandis que l’autre comprend ces même pays, mais en plus, tous les endroits où l’on parle encore portugais, que ce soit au Sénégal, à Goa ou dans le quartier portugais de la ville de Montréal au Québec. Là où deux personnes ou plus se trouvent unis par la langue portugaise, là se trouve aussi la lusophonie.


Montréal, avril 2007

1- À ce propos, il est curieux de constater qu’il y ait des personnes de langue portugaise qui se considèrent plutôt portugophones au lieu de lusophones. Voir sur Internet, un site de traduction qui offre ses services à cette soi-disant communauté portugophone internationale : http://www.traductionexpress.com/services/traduction_CV-portugais. html.

2 - Aurélio Buarque de Hollanda Ferreira (1999). Novo Aurélio : O Dicionário da Língua Portuguesa, 3e éd., Rio de Janeiro, Editora Nova Fronteira, p. 1241.

3 - « Lusitania » dans Wikipedia: the Free Encyclopedia. Sur Internet : <http://en.wikipedia.org/wiki/Lusitania> (consulté le 26 mars 2007) et « Los vecinos de los vascones en Aragón y en el Ebro: los suessetanos y su problema » dans Celtiberia.net. Sur Internet : http://www.celtiberia.net/articulo.asp?id=238
(consulté le 27 mars 2007).

4 - Ciberdúvidas da Língua Portuguesa. Sur Internet : http://ciberduvidas.sapo.pt/pergunta.php?id=19650 et http://ciberduvidas.sapo.pt/pergunta.php?id=19935 (consultés le 06-04-2007).

5- À ne pas confondre Lusitanien, Lusitain et Luson. Certains auteurs emploient indifféremment l’un ou l’autre de ces termes pour désigner le peuple autochtone du Portugal. Cependant, il faut être vigilant dans ce cas, puisque contrairement aux Lusitaniens ou Lusitains, les Lusons habitaient plutôt le nord-est de la province de Guadalajara, dans l’actuel Espagne. « Lusones » dans Wikipedia: La Enciclopedia libre (en espagnol). Sur Internet : http://es.wikipedia.org/wiki/Lusones (consulté le 26 mars 2007).

6 - « Certains historiens tels que Diodoro, Apiano et Marcial considèrent les Celtibères comme un mélange entre Celtes et Ibères, tandis que pour Estrabón, c’était le premier des deux composants qui prévalait. ». « Celtiberia » dans Wikipedia: La Enciclopedia libre (en espagnol). Sur Internet : http://es.wikipedia.org/wiki/Celtiberia (consulté le 26 mars 2007).

7 - Lisbonne aurait initialement été fondée par les Phéniciens. Olissipo serait en fait la déformation romanisée de Alis Ubbo, qui en phénicien signifierait « port sûr » ou « anse agréable ». « História de Lisboa » dans Wikipédia: La enciclopédia livre (en portugais). Sur Internet : http://pt.wikipedia.org/wiki/Hist%C3%B3ria_de_Lisboa (consulté le 26 mars 2007).

8 - Le Petit Larousse Illustré : en couleurs (2005). Paris, Larousse, 100e éd., p. 1184.

9 - La Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) ne regroupe que huit pays, soit le Portugal, le Brésil, l’Angola, le Mozambique, la Guinée-Bissau, les îles du Cap-Vert, les îles de São Tomé et Principe et le Timor-Oriental, ainsi que Macao, en tant que région administrative spéciale. Sur Internet : http://www.cplp.org (consulté le 25 mars).

10 - Organisation internationale de la Francophonie. Sur Internet : http://www.francophonie.org (consulté le 25 mars 2007).

11- Leclerc, p. 111.